On est pas des moustiques !

Le vendredi 8 février au matin, il fait enfin beau, je suis prête pour aller skier. Mais la station reste fermée ! ok…

Le samedi matin, je me prépare à rester sous la couette car il neige et le brouillard empêche toute visibilité à plus de 10 mètres. Et là, sans que je puisse me l’expliquer, les pistes ouvrent ! bon…

Le week-end , c’est cours collectifs le matin avec les enfants, puis cours particuliers l’après-midi. Bien que je sois censée avoir un groupe d’une petite dizaine d’enfants de 7 à 9 ans, le mauvais temps et la route enneigée bloquent une bonne partie d’entre eux à Beyrouth. C’est donc avec 4 jeunes skieurs que je fais ma première journée d’enseignement. 2 filles, Sera et Nora, et 2 garçons Elia et Charben. Les enfants, qui parlent tous très bien français, font partie du club et skient tous les week-ends depuis le début de saison. Je reprends leur groupe suite au départ de leur moniteur, un autre Tony, qui est rentré en France. Seulement il nous faut patienter car les pistes sont en cours de damage et alors que la station ouvre normalement à 08H, nous ne pouvons accéder au domaine qu’une bonne heure plus tard. Les petits piaffent d’impatience – sauf Elia qui finit de vomir son petit déjeuner – et, incapables de tenir en place, courent se rouler dans la neige. Tant et si bien qu’au moment de mettre les skis ils sont déjà trempés. C’est donc dans des conditions idéales que j’embarque tout le monde sur le magic carpet pour rejoindre le seul télésiège ouvert ce jour : mes quatres zigotos sont tout dégoulinants, trois d’eau et le quatrième de vomi.

A peine arrivés en haut du tapis, Charben prend l’intiative de suivre son copain du groupe nous précédant afin de monter avec lui au télésiège. Je le rattrape in extremis et lui explique qu’il doit rester avec moi.

 » – Mais allez, madame Sarah, s’il te plait ! »

Je sais que si je commence à transiger dès le début je suis foutue, je campe donc sur mes positions.

« – Elle a raison, elle a raison, elle a raison ! » martèle Sera pour faire enrager Charben.

Ça fonctionne à merveille.

« – Non, elle a pas raison ! et puis de toute façon moi je préfère monsieur Tony ! »

Ça commence bien.

Une première descente sur la piste bleue me permet d’évaluer que si la technique reste très imprécise, ils sont tous les 4 très à l’aise et ne font montre d’aucune appréhension : Ils me suivent de manière totalement anarchique, se doublant mutuellement, se faisant tomber ou se filant des coups de bâtons au passage. Je ne suis pas diplômée d’état mais c’est pas dans le programme de la classe 1 ça, non ?

Arrivée une nouvelle fois au sommet du télésiège, Charben me demande :

 » – Madame Sarah, on peut prendre la piste fermée ? »

Tout un tas de scenarii me passent par la tête : Il faut dire que question legislation, nous ne sommes pas trop dans les clous. Pas de visa de travail, et le directeur de l’école de ski nous fait passer pour de vrais moniteurs français diplômés d’état, auprès de ses clients mais également de la station. ( Ce à quoi je m’oppose farouchement dès les premiers jours – en tous cas en ce qui me concerne, les autres faisant bien comme ils le souhaitent ) Même si un diplôme n’est, pour l’instant, pas nécessaire pour enseigner le ski au Liban, je me demande comment réagiraient les parents et la direction de la station si un enfant venait à se blesser sur une piste fermée et que tout cela se sache. J’oppose, à nouveau, une fin de non recevoir à Charben.

«- Non, on ne va pas sur la piste fermée, justement parce qu’elle est fermée.

– Allez s’il te plait madame Sarah ! S’il te plait ! Avec monsieur Tony, on allait tout le temps sur la piste fermée ! C’était mieux avec Monsieur Tony ! Je veux aller avec Monsieur Tony !

– On ne va pas sur la piste fermée parce que c’est dangereux et interdit. Et monsieur Tony n’est pas là.

– Mais pourquoi il est pas là monsieur Tony, moi je veux être avec monsieur Tonyyyy !

🤬🤬🤬

– Dis-moi Charben, tu connais Petit Bambou ?

– Euh…non, c’est quoi ?

– Je t’expliquerai en bas de la piste »

J’ai du bol, arrivé en bas, il a oublié le coup de Petit Bambou.

Nous enchaînons deux ou trois rotations tapis, télésiège, piste bleue, tapis, télésiège, piste bleue…mais à 11H les petits sont complètement frigorifiés bien que je leur ai prêté mes gants et mon cache-cou tant les leurs dégoulinent. Ils veulent rentrer et moi aussi : mes mains me font mal tellement elles sont gelées. J’arrive malgré tout à leur faire prendre une dernière fois le tapis et leur lance en guise d’encouragement :

 » – Allez les loustics ! »

– On est pas des moustiques ! » me répond Charben.

😁

Nous retournons à la station nous mettre au chaud, juste un peu avant que le service des pistes ne décide finalement de fermer. Perdue dans les vapeurs suaves de mon vin chaud, je pense : « putain, mais je vais faire comment quand ils seront 10 ? »

Le soir, la gorge commence à me piquer. Satanés moustiques !


Ci dessous. : ma tisane spéciale moustiques libanais : jus de citron, eau chaude, gingembre, cannelle, origan, miel

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2 commentaires sur “On est pas des moustiques !

    1. Merci beaucoup Bernadette ! Je m’amuse toujours beaucoup quand j’écris. Je romance parfois pour rendre le récit plus vivant. Elia ne dégoulinait pas vomi même si il avait effectivement vomi son petit déjeuner ! Mais la réplique des moustiques de la part de Charben est authentique !

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